Par Voix Plurielles
“Celui qui profite d’un crime sans le dénoncer devient complice de ce crime.” – Thomas Sankara
Depuis des décennies, le Cameroun est un pays riche dirigé comme un pays pauvre. Riche de pétrole, de bois, de cacao, d’aluminium, de minerais, d’un port stratégique et d’un marché dynamique en Afrique centrale. Pauvre… parce que la richesse est captée par une poignée de dirigeants et leurs partenaires étrangers, au détriment du peuple. Ces partenaires étrangers ne sont pas que des chancelleries silencieuses. Ce sont aussi des multinationales, installées confortablement dans les secteurs clés de l’économie camerounaise.
Qui sont-elles ? Les multinationales au cœur du système économique camerounais
Énergie et hydrocarbures
- TotalEnergies (France) – distribution de carburants, exploration pétrolière.
- Perenco (France/Royaume-Uni) – exploitation offshore.
- Addax Petroleum (Suisse) – production pétrolière.
Agro-industrie et agroalimentaire
- Nestlé (Suisse) – produits alimentaires et boissons.
- Société Camerounaise de Palmeraies – Socapalm (Bolloré Group, France) – huile de palme, plantations controversées.
- Heineken via Brasseries du Cameroun (Pays-Bas/France) – boissons et alcools.
- Dangote Cement (Nigéria) – cimenterie et construction.
Transport et logistique
- Bolloré Africa Logistics (France) – gestion portuaire et ferroviaire.
- APM Terminals (Pays-Bas/Danemark) – Douala International Terminal.
Télécommunications
- Orange Cameroun (France)
- MTN Cameroon (Afrique du Sud)
- Nexttel (Viettel) (Vietnam)
Banque et finance
- Société Générale (France)
- Ecobank (Togo/pan-africaine)
- UBA (Nigéria)
Leur silence face à l’injustice : neutralité ou complicité ?
Ces multinationales ne peuvent ignorer :
- La répression politique (arrestations arbitraires, invalidation de candidatures, suppression des libertés publiques).
- La corruption systémique qui affecte la gestion des ressources qu’elles exploitent.
- La pauvreté endémique qui persiste malgré des milliards générés dans leurs secteurs.
Or, aucune de ces entreprises n’a pris publiquement position sur la gouvernance, la transparence ou la justice sociale au Cameroun.
Leur silence est interprété, à juste titre, comme une complicité tacite avec un régime qui leur garantit stabilité… et privilèges.
Ce qu’elles devraient faire – et que d’autres ont déjà fait ailleurs
Publier et rendre transparentes leurs opérations
- Rendre publics les contrats, redevances et taxes (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives – ITIE).
- Expériences similaires : BP et Shell en Norvège et au Ghana publient leurs contributions fiscales détaillées.
Respecter et appliquer les Principes directeurs de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme
- Évaluer leurs chaînes de valeur pour identifier les risques de complicité indirecte dans des violations de droits humains.
- Expérience : Tullow Oil (Ouganda) a mis en place un audit indépendant après des controverses similaires.
Investir réellement dans le développement local
- Sortir du social washing (quelques écoles et forages à des fins d’image) pour financer durablement santé, éducation, infrastructures.
- Expérience : Total en Angola a financé des hôpitaux régionaux via un fonds indépendant de contrôle citoyen.
Défendre publiquement des principes démocratiques de base
- Sans s’ingérer directement dans la politique, elles peuvent soutenir des principes universels (transparence, lutte contre la corruption, équité de traitement).
- Expérience : Heineken a suspendu des opérations dans certains pays après des violations graves des droits des travailleurs.
Voix Plurielles : un appel au peuple et à la diaspora
- Documenter les pratiques douteuses : contrats opaques, accaparements de terres, pollutions.
- Interpeller directement les sièges internationaux (campagnes de mails, hashtags ciblés, pétitions).
- Lancer des campagnes de boycott pour frapper là où ça fait mal : la réputation et le portefeuille.
“Les multinationales ne craignent ni les dictateurs ni les sanctions diplomatiques. Elles craignent l’opinion publique et la perte d’image.”
Le Cameroun ne doit pas être une rente coloniale éternelle
Les multinationales présentes au Cameroun tirent profit de nos ressources, mais elles ont aussi des responsabilités éthiques et légales.
Tant qu’elles continueront à opérer dans l’opacité et le silence, elles seront perçues comme les piliers économiques d’un régime autoritaire. Voix Plurielles appelle à une mobilisation citoyenne et diasporique pour que ces entreprises respectent enfin le peuple camerounais autant qu’elles respectent leurs actionnaires.



