Dans cette époque de surstimulation et de déracinement, il est urgent de retrouver nos espaces de silence, de lenteur et de reconnexion. L’eau – mémoire vivante des origines – est l’un de ces espaces sacrés. Elle nous parle, nous enveloppe, nous restaure. Dans cette méditation poétique, l’autrice nous emmène sur les flots de la mer des Caraïbes, entre Punta Cana et l’île de Saône. À travers ce voyage intime, elle nous invite à écouter ce que l’eau nous enseigne : l’humilité, la mémoire, la guérison, la joie d’exister.

Ce texte est une offrande. Une goutte de lumière pour celles et ceux qui cherchent à guérir, à comprendre, à s’enraciner. Une ode à la mer, à nos mères, et à la force tranquille que nous portons en nous, même quand tout vacille.

Bienvenue dans ce sanctuaire de douceur, de réflexion, et de renaissance intérieure.

Ce que la mer m’a appris

Par Mə̂fò Nyàpgùŋ

Il y a des silences que seule la mer sait raconter.
Des vérités anciennes qu’elle souffle à l’oreille de celles et ceux qui prennent le temps d’écouter.

À Punta Cana, j’ai quitté le sable doré pour m’embarquer vers l’île de Saône.
Un nom doux, presque chuchoté, comme une promesse.
Sur le bateau, bercée par les vagues, j’ai senti que je ne voyageais pas seule.
Il y avait les vents, les ancêtres, les mémoires invisibles…
Et il y avait moi. Chair, souffle et questions.

La mer m’a appris l’humilité.
Elle m’a rappelé que je suis petite face à l’immensité du monde.
Mais que même la plus petite goutte porte en elle la mémoire de l’océan tout entier.

La mer m’a enseigné la mémoire.
Dans ses profondeurs dorment les cris étouffés, les chants noyés, les espoirs arrachés.
Elle sait tout du ventre des bateaux négriers, du silence imposé, des chaînes rouillées par le sel.
Et pourtant, elle continue de danser.
Comme si elle disait : « Je me souviens, mais je ne me fige pas. »

La mer m’a parlé de l’origine.
De l’eau matricielle.
De cette source invisible qui relie l’île de Saône à l’Afrique, et à toutes nos îles intérieures.
De ce cordon sacré qui ne se coupe jamais vraiment, même si les frontières l’ont nié.

La mer m’a offert la guérison.
Chaque vague caressant mes pieds lavait un peu de fatigue, un peu de douleur, un peu de doute.
Elle m’a dit :
« Tu as le droit de respirer. Tu as le droit de t’épanouir. Tu as le droit d’être ici, vivante. »

Et dans ce droit retrouvé, j’ai vu le visage de mes mères.
Celles qui ont survécu sans jamais cesser d’aimer.
Celles qui ont donné sans jamais se vider.
Celles dont je porte le nom, le rythme, et la rage douce.

Aujourd’hui, de retour à la rive de mes réalités,
je garde en moi la voix de la mer.
Elle ne crie pas.
Elle murmure :
« Rappelle-toi. Reviens à toi. Reviens à l’eau. »

About Author
Mə̂fò Nyàpgùŋ

Docteure en leadership organisationnel, éducatrice, poétesse, traductrice et militante des droits humains. Je dirige des projets autour de la mémoire collective, de l’engagement citoyen, de l’éducation multilingue et de la voix des femmes africaines dans l’espace public.

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