À quelques jours du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle élection sous haute tension. Dans un pays dirigé depuis 43 ans par Paul Biya, 92 ans, la perspective d’un véritable changement politique semble, une fois encore, compromise.
Un président absent, mais omniprésent
L’apparition publique de Paul Biya à Maroua, le 7 octobre, a mis fin à des mois de spéculation sur sa santé et même sur sa capacité à gouverner. Absent de la scène publique pendant une grande partie de l’année, le président sortant a finalement confirmé sa candidature pour un huitième mandat. À 92 ans, il détient désormais le record du plus vieux dirigeant élu en exercice au monde. Cette candidature, annoncée sans débat national et soutenue par une mise en scène politique bien huilée – chefs traditionnels, ministres, élites régionales, médias d’État – illustre le verrouillage institutionnel autour de la figure présidentielle.
Un processus électoral discrédité
Au cœur de la contestation : le rejet de la candidature de Maurice Kamto, principal opposant et arrivé second lors du scrutin de 2018. Officiellement exclu pour « pluralité d’investiture », Kamto a vu son dossier invalidé par Élections Cameroun (ELECAM), organe largement considéré comme acquis au pouvoir. Le Conseil constitutionnel, lui aussi critiqué pour son manque d’indépendance, a rejeté les recours de plusieurs candidats. Sur 83 candidatures déposées, seules 12 ont été validées. Parmi les exclus, de nombreuses figures critiques du régime, renforçant l’idée que le scrutin a été soigneusement filtré en amont.
Un climat politique verrouillé
Les conditions d’une élection libre et équitable sont loin d’être réunies :
- Accès inégal aux médias, où le RDPC (parti au pouvoir) monopolise l’espace audiovisuel public.
- Répression des opposants, arrestations arbitraires, interdictions de rassemblement.
- Absence d’un débat électoral ouvert, remplacé par des shows politiques à sens unique.
L’appareil d’État fonctionne comme une machine électorale au service du président sortant.
Contexte sécuritaire : un frein majeur à la participation
La situation dans plusieurs régions demeure critique :
- Crise anglophone toujours active dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
- Présence de Boko Haram dans l’Extrême-Nord.
- Déplacement massif de populations, zones de non-droit, peur de la violence.
Dans ces conditions, organiser un scrutin crédible et inclusif relève de la fiction politique.
Un scrutin sans surprise ?
Tout porte à croire que Paul Biya sera reconduit, une fois encore, dans un fauteuil. Son parti et ses alliés détiennent tous les leviers du pouvoir : armée, administration, justice, communication. Aucune réforme structurelle du système électoral n’a été entreprise depuis 2018. Les signaux d’alerte sont les mêmes, voire pires : exclusion de l’opposition, opacité, manipulation du calendrier, intimidation, et absence d’observateurs indépendants crédibles.
Ce qui a changé… et ce qui n’a pas changé
| En 2018 | En 2025 |
| Biya élu avec 71 % des voix | Biya brigue un 8e mandat |
| Kamto, candidat | Kamto, exclu |
| Violences dans les zones anglophones | Violences toujours présentes |
| Appels à la réforme électorale | Aucune réforme appliquée |
| Participation en baisse | Rappel à la mobilisation face au cynisme |
Certes, de nouvelles figures de l’opposition ont émergé (Issa Tchiroma Bakary, Éric Essono Tsimi, Hermine Ndam Njoya, Cabral Libii, Bello Bouba, etc.), mais elles restent divisées, sans coalition solide, et sans accès équitable à l’espace politique.
Quel avenir pour la démocratie camerounaise?
Les perspectives restent sombres si aucune rupture institutionnelle n’a lieu. Sans réforme de la loi électorale, sans indépendance réelle d’ELECAM, sans libération de l’espace politique, la mascarade électorale risque de se répéter indéfiniment.
Mais il reste une force : le peuple. La mobilisation citoyenne, l’observation électorale locale, l’éducation politique et la pression populaire sont des leviers encore sous-exploités. Le refus du cynisme, notamment parmi les jeunes, est peut-être la seule promesse d’un réveil démocratique durable.
Conclusion : un scrutin sans illusion, mais pas sans enjeu
L’élection présidentielle du 12 octobre 2025 risque fort de confirmer un pouvoir vieillissant, mais solidement installé. Pourtant, chaque voix exprimée, chaque dénonciation de fraude, chaque mobilisation locale contribue à poser les jalons du changement futur.
Même dans un système verrouillé, l’histoire démocratique ne s’arrête jamais. Le véritable enjeu, ce n’est pas seulement le scrutin du 12 octobre, c’est ce que feront les Camerounais du 13 octobre et des jours suivants.



