J’ai grandi sous l’ombre du baobab,
là où le vent portait les murmures des ancêtres,
là où ma grand-mère, assise près du feu,
tissait des paroles comme on tisse le raphia,
des mots lourds de vérité,
des mots qu’on ne comprenait pas toujours
mais qu’on finissait par porter en soi,
comme une seconde peau.
Dans la cour vaste comme un marché,
les voix s’élevaient, se mêlaient,
cris d’enfants, éclats de femmes,
les pas lourds des hommes revenant du champ.
Le matin sentait la braise et du maïs,
le soir résonnait du rire et des soupirs.
La famille était un fleuve,
parfois paisible, parfois violent,
mais toujours profond.
J’ai appris que le sang lie mais ne protège pas toujours,
que sous le même toit poussent aussi bien la confiance
que la jalousie,
que l’amour peut se cacher derrière un regard dur,
et que la loyauté est une danse
où il faut savoir sur quel pied poser son cœur.
Ma grand-mère disait :
« Ne crains pas ceux qui parlent fort,
méfie-toi de ceux qui sourient en silence. »
Et je l’écoutais,
dans le bruit des marmites et le chant des cigales,
dans les batailles d’enfants et les silences des femmes,
dans les palabres du soir,
où les hommes mesuraient leur poids en paroles.
J’ai grandi entre l’amour et le défi,
entre les mains tendues et les cœurs fermés,
entre le partage et la rivalité.
J’ai appris à lire les visages,
à écouter les silences,
à me frayer un chemin dans cette jungle de sang et de noms,
où chacun cherchait sa place sans perdre les siens.
Et aujourd’hui, quand le vent se lève
et que le feu crépite sous une nuit d’encre,
je ferme les yeux et j’entends encore sa voix :
« Dans cette maison, sois un arbre,
plante tes racines, tends tes branches,
mais n’oublie jamais le vent. »
Mə̂fò Nyàpgùŋ Dr. Madiesse Kom
Ce poème fait partie d’un recueil



