À son retour de Paris, le professeur Maurice Kamto avait voulu rencontrer ses sympathisants après son passage à la Place de la République. La réponse du régime fut immédiate : déploiement militaire, répression préventive, interdiction de rassemblement. Ses partisans — souvent caricaturés comme des “talibans”, des “Bamiléké” ou des “frères du village” — furent encore une fois traités comme une menace à la République.
Mais hier, lorsque l’ancien ministre Issa Tchiroma est arrivé à l’aéroport de Garoua, une foule massive l’attendait. Cette fois, aucun policier, aucun gendarme, aucune armée ne fut déployée pour disperser la foule. Aucun chroniqueur sur les plateaux de télévision n’a osé traiter ses partisans de “tribalistes” ou de “frères du village”. Silence complet. Deux poids, deux mesures flagrants.
La peur des foules “autorisées”
Pourquoi cette différence ?
Parce que le régime redoute certaines réactions plus que d’autres. Dans l’imaginaire politique camerounais, réprimer une foule du Nord pourrait provoquer une colère collective difficile à contenir, avec un effet boule de neige dangereux pour l’équilibre du pouvoir. À l’inverse, la répression dans l’Ouest , le Littoral ou le Centre n’a jamais entraîné de sanctions politiques majeures. Les victimes y sont vite réduites au silence, les morts vite oubliés, et la propagande s’active pour transformer les manifestants en fauteurs de trouble.
Le calcul autour d’Issa Tchiroma
Soyons lucides : si Tchiroma bénéficie de ce traitement de faveur, ce n’est pas parce que son mouvement incarne une menace, mais parce que son profil reste utile au système. Ancien ministre, allié fidèle de Paul Biya, il incarne une opposition contrôlée, tolérée. Son espace de liberté est élargi parce qu’il ne remet pas en cause l’ordre établi.
C’est pourquoi beaucoup de jeunes, notamment parmi les partisans de Kamto, ont du ma a lui faire confiance : ils voient en lui un opposant de façade, intégré dans les faveurs du régime et incapable de porter une véritable alternative.
La vraie leçon pour le citoyen camerounais
Ce que révèle cette situation, c’est la logique implacable du pouvoir :
- Réprimer ceux qui représentent une alternative crédible (Kamto et ses alliés).
- Tolérer ceux qui ne menacent pas l’équilibre du système (Tchiroma et d’autres).
- Instrumentaliser les clivages ethniques pour justifier les différences de traitement.
Le Camerounais moyen doit cesser de se laisser piéger par ce jeu. Les mots utilisés dans les médias — “talibans”, “frères du village” — ne sont pas innocents : ils servent à diviser, stigmatiser et délégitimer certains mouvements politiques. Pendant ce temps, d’autres foules sont sanctuarisées et protégées, non pas parce qu’elles sont plus pacifiques, mais parce qu’elles sont jugées politiquement moins dangereuses.
Un appel à la lucidité
La véritable leçon à tirer est claire :
- Ne plus accepter ces doubles standards.
- Refuser la stigmatisation ethnique qui réduit les luttes politiques à des querelles de tribus.
- Construire une solidarité transcommunautaire pour défendre un seul principe : l’égalité de traitement devant la loi et devant l’État.
Car un pays qui choisit quelles foules ont droit d’exister et lesquelles doivent être écrasées, n’est pas une démocratie. C’est un pouvoir qui gouverne par la peur et la division. Et ce pouvoir ne tombera pas sous les coups d’une tribu, mais par l’unité des citoyens décidés à refuser la manipulation.
Camerounais, retenons ceci : les foules que le régime craint sont celles qui construisent un avenir. Les foules qu’il applaudit sont celles qui prolongent son règne.



