Ils t’ont arraché le souffle,

lentement, froidement,

comme on étouffe une vérité trop lourde

pour un cartel qui ment depuis trop longtemps.

Ils t’ont laissé mourir dans le silence,

dans une chambre dont les murs savaient

ce que leurs communiqués n’oseront jamais dire.

Mais ta mort, Anicet, n’a rien d’un silence :

c’est un tonnerre que personne ne pourra étouffer.

Tu es parti comme partent les grands :

non pas brisé,

mais brûlant.

Non pas vaincu,

mais témoin.

Ton dernier souffle, ils l’ont volé —

mais ta dernière parole, c’est toi qui l’as donnée :

se tenir debout, toujours.

Ils t’ont refusé l’air,

pensant t’effacer.

Ils ont oublié

que l’on ne tue pas un homme de ta trempe :

on l’élève.

Ton corps s’est tu,

mais ton nom résonne,

sombre et clair,

comme une cloche que l’on ne peut plus arrêter.

Tu marches maintenant

dans le cortège noir des immortels :

Um Nyobè, Ouandié, Moumié…

Ils t’ouvrent la voie,

et toi, tu ouvres la nôtre.

Car ta mort n’est pas une tombe :

c’est un seuil.

Une braise que rien n’éteint,

un feu dans la gorge des vivants,

un avertissement aux puissants :

Vous pouvez arrêter un homme,

mais jamais la nation qu’il réveille.

Tu es la nuit qui refuse l’oubli,

le poing qui refuse de trembler,

la voix qui tonne dans nos poitrines :

« Tenez bon.

Ne cédez rien.

Même quand l’air manque.

Surtout quand l’air manque. »

Repose, Anicet?

Non.

On ne repose pas quand on devient un phare.

On veille.

On brûle.

On guide.

Et nous,

nous marcherons avec ton nom comme une armure,

avec ton souvenir comme une arme,

avec ta mort comme un commandement :

Ne jamais plier.

Ne jamais taire.

Ne jamais oublier.

Tu n’es pas tombé, Anicet.

On t’a poussé dans l’ombre —

et tu t’y es allumé.

Mə̂fò Nyàpgùŋ

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