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À mes enfants nés sous le poids des chaînes

Je vous entends, enfants du pays que j’ai tant aimé,
Vous qui êtes nés dans l’ombre longue d’un trône fané.
Vous qui n’avez connu que la même main,
Le même visage aux bulletins, les mêmes lendemains.

Je vois vos pas, incertains sur la terre natale,
Parqués dans les quartiers, dans la poussière coloniale.
Je vous entends crier derrière les casques,
À motos sans plaques, poursuivis comme des masques.

Certains sont partis, l’âme dans la valise,
En quête d’air, d’école, ou de simple église.
D’autres croupissent dans les geôles sans justice,
Leurs rêves piétinés sous des bottes complices.

Je pense à toi, Guérandi, homme de guerre et de secret,
Trahi dans le silence, effacé sans regret.
À toi, Wazizi, journaliste et otage,
Mort dans un flou, sans image ni hommage.

Et toi, Zogo, frère de la parole libre,
Ta langue trop vraie, ton micro devenu fibre.
Ils t’ont enlevé, défiguré, dispersé
Mais ton écho vibre encore dans nos pensées.

O Cameroun, mon rêve t’a fui,
Et toi, jeunesse, on t’a maudite depuis.
On t’a jetée au chômage, au marché noir,
À faire des « benskins » pour conjurer l’espoir.

Mais vous portez en vous la braise de demain,
Comme la machette cachée dans le pain.
Un peuple ne meurt pas sous les coups d’un roi,
Il s’endort parfois… mais toujours se redresse, en foi.

Je suis là, debout dans la brousse invisible,
Avec les miens, tombés pour l’impossible.
Nous avons semé l’idée, lutté sans fortune,
Un jour, enfants du Cameroun, ce sera votre lune.

Alors levez la tête, même dans la nuit,
Car sous la dictature, germe aussi la pluie.
Et moi, Ruben, dans les chants du vent,
Je vous chuchote : résistez, doucement… puissamment.

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