Par l’équipe de Voix Plurielles
La récente déclaration de candidature de Paul Biya, président du Cameroun depuis plus de 42 ans, suscite de vives interrogations. À 93 ans, le plus vieux chef d’État en fonction dans le monde ambitionne un nouveau mandat. Si cette annonce peut, pour ses partisans, incarner la stabilité, elle soulève aussi une question cruciale et universelle : quelles sont les capacités réelles d’une personne de 93 ans à exercer la plus haute fonction d’un État moderne ?
🧠 Ce que dit la science du vieillissement
À 93 ans, une personne traverse un processus naturel de ralentissement cognitif et physique. Même sans pathologie apparente, les fonctions comme la mémoire à court terme, la prise de décision rapide ou la concentration sont affectées. Le risque de maladies dégénératives (comme Alzheimer ou les démences vasculaires) est également bien plus élevé. Ces réalités biologiques ne sont pas des fautes, elles sont la simple condition humaine.
Or, la fonction présidentielle exige :
- Une capacité à analyser des situations complexes rapidement,
- Une endurance face à un emploi du temps chargé, souvent imprévisible,
- Une réactivité en cas de crise sécuritaire, diplomatique ou sociale,
- Une présence physique et symbolique constante sur la scène nationale et internationale.
À cet âge, ces tâches relèvent de l’impossible, à moins d’une délégation massive… qui pose d’autres problèmes.
🏛️ Gouvernance par procuration : un danger silencieux
Lorsqu’un chef d’État est affaibli, la réalité du pouvoir bascule vers les coulisses. Les conseillers, les membres de la famille, certains réseaux discrets deviennent alors les véritables gestionnaires de l’État, souvent sans mandat du peuple. Cela met en péril :
- La transparence démocratique,
- Le principe de responsabilité politique,
- L’équilibre entre institutions, au profit de l’exécutif.
Ce glissement insidieux transforme l’État en machine opaque, où l’intérêt collectif est noyé dans des jeux d’intérêts privés.
🇨🇲 Une jeunesse gouvernée par le passé
Le Cameroun est l’un des pays d’Afrique les plus jeunes : plus de 60 % de la population a moins de 25 ans. Ces jeunes grandissent dans un pays dirigé depuis quatre décennies par le même homme, avec des discours, des méthodes et une vision largement hérités d’un autre siècle.
La question est simple :
Peut-on bâtir l’avenir d’un pays jeune avec une gouvernance qui refuse tout renouvellement ?
🔍 Que font les autres démocraties ?
Aux États-Unis, Joe Biden, pourtant plus jeune (81 ans), a fait face à une remise en question constante de sa lucidité. Plusieurs propositions de réforme visent à :
- Imposer des limites d’âge,
- Exiger des bilans cognitifs obligatoires pour les candidats à la présidence.
D’autres pays ont instauré des dispositifs de retraite politique ou encouragent la limitation des mandats pour éviter les dérives d’usure au pouvoir.
✊🏾 L’alternance n’est pas un crime
Une élection ne devrait jamais être un sacre éternel. Un État sain doit permettre :
- Le renouvellement des élites,
- L’émergence de nouvelles idées,
- La circulation du pouvoir comme instrument de justice, pas comme un trône figé.
La longévité biologique ne saurait justifier la longévité politique.
📣 Appel à la réflexion citoyenne
Nous ne remettons pas en cause le droit d’un individu âgé de se présenter à une élection. Mais nous appelons à la lucidité collective :
- Un président de 93 ans peut-il réellement gouverner dans le monde actuel ?
- Les jeunes Camerounais et Camerounaises méritent-ils d’attendre encore un septennat pour espérer voir émerger une génération qui leur ressemble ?
- Le respect dû aux anciens doit-il être instrumentalisé pour empêcher la relève ?

