Depuis le cœur meurtri de la jeunesse camerounaise
Monsieur le Président,
Je viens de lire votre message : « La situation des jeunes et des femmes sera au cœur de mes priorités. Le meilleur reste à venir. »
Je suis une jeune femme camerounaise. Diplômée. Honnête. Résiliente. Mais épuisée.
Je vous écris depuis ce « meilleur » que vous promettez depuis plus de quatre décennies. Je vous écris au nom de cette jeunesse à qui on a volé l’avenir et qui, pourtant, continue à espérer.
Je suis celle dont le diplôme prend la poussière pendant que les appels d’offres sont distribués entre les enfants de vos ministres. Celle qui a perdu son bébé faute de couveuse à l’hôpital public. Celle dont le petit commerce est détruit chaque semaine par des agents municipaux corrompus. Celle dont la meilleure amie est morte sous les coups de son mari — un homme bien connu, bien protégé. Celle qui a pleuré aux côtés de la veuve de Martinez Zogo, toujours sans justice. Celle que votre régime regarde sans jamais voir.
Je suis née sous votre règne. Et si vous êtes réélu, je partirai à la retraite sous votre règne.
Combien d’années faudra-t-il pour que vous nous entendiez ?
Monsieur le Président, le meilleur que vous promettez ne peut pas naître d’un système qui tue l’espoir.
Ce meilleur ne peut pas germer dans une terre de népotisme, de silence imposé et d’impunité.
Ce meilleur ne peut pas exister dans un pays où les jeunes diplômés deviennent mototaximen, où les femmes pleurent seules leurs enfants morts ou leur avenir bafoué.
Vous dites que nous allons surmonter les défis ensemble. Mais, ensemble avec qui ?
Avec ceux qui vivent dans des villas, à l’abri du noir, de la faim, du chômage et de l’insécurité ?
Avec ceux qui n’ont jamais attendu un bus, une bourse, ou un poste qu’ils méritaient sans l’avoir obtenu par un nom ou une lignée ?
Monsieur le Président,
S’il vous reste une once d’humanité, une miette de lucidité, une parcelle d’honnêteté…
Regardez-nous. Regardez notre fatigue. Notre colère. Nos cercueils. Nos rêves enterrés.
Et reconnaissez qu’il est temps.
Temps pour vous de partir.
Temps pour nous d’exister.
Le meilleur reste Ă venir, oui.
Mais ce ne sera pas avec vous.
Respectueusement mais fermement,
Une fille du Cameroun qui mérite mieux.
