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Voyager noire: entre regard exotisant et quête de liberté

voix plurielles tourisme et bien etre

Par Dr. Madiesse-Nguela | Voix Plurielles – Juillet 2025

Il y a un frisson particulier à sortir son passeport, à fermer la valise, à marcher vers l’inconnu.
Voyager, c’est un acte de liberté. Une respiration hors du quotidien.
Mais quand on est une femme noire, voyager dans des espaces touristiques internationaux, c’est aussi faire face à une série de regards, de projections, d’histoires non dites.
C’est partir — et pourtant porter avec soi tout un héritage, visible et invisible.

L’exotisme inversé : être celle qu’on observe

Dans certains pays du monde, être une femme noire en vacances, c’est se transformer — malgré soi — en spectacle.
Un corps regardé, scruté, parfois fétichisé.
On vous demande d’où vous venez « vraiment », on vous touche les cheveux, on vous photographie sans permission, on vous assimile à une chanteuse ou une star d’un clip.
Le regard touristique se retourne : ce n’est plus vous qui observez le monde, c’est le monde qui vous observe.

On comprend alors que le tourisme, même lorsqu’il est individuel, s’inscrit dans un système global d’hiérarchies raciales, de rapports Nord-Sud, d’héritages coloniaux persistants.
Et ce corps noir, libre et souriant en maillot sur la plage, dérange ou fascine, parfois les deux.

Être femme, être noire, être voyageuse

Voyager seule quand on est une femme, c’est déjà un acte de transgression dans bien des cultures.
Mais être une femme noire qui voyage seule, c’est encore autre chose.

On vous questionne :
– “Tu n’as pas peur ?”
– “Tu as les moyens ?”
– “Tu n’attends pas ton mari ?”
Comme si la liberté noire devait toujours se justifier, se défendre, s’expliquer.

Pourtant, il y a dans ce mouvement — partir, marcher, choisir, découvrir — une réappropriation du monde. Une reconquête d’espace.
Et cela vaut toutes les remarques, tous les regards, tous les douaniers suspicieux.

Mémoire du corps, mémoire de l’histoire

Quand on voyage en tant que femme noire, on porte aussi les voyages de celles qui n’ont jamais pu partir.
Celles qui ont été déplacées de force.
Celles qui n’ont jamais eu de congés payés.
Celles dont les ancêtres ont été arrachés à leur terre.

Et parfois, sans le savoir, on foule des lieux marqués par ces histoires : plantations, ports, routes de l’exil.
Notre présence est alors un acte symbolique fort : nous sommes revenues, non pas comme captives, mais comme héritières.

La joie comme résistance

Il y a dans les photos de voyage, les bains de mer, les rires sur la plage, quelque chose de politique.
Ce bonheur n’est pas naïf. Il est ancré. Lucide.
C’est la joie de celles qui ont choisi de vivre, de s’aimer, de se montrer au monde autrement.

S’asseoir au bord d’un lagon turquoise, savourer un repas local, écrire dans un carnet de voyage…
Tout cela peut sembler banal. Mais pour beaucoup de femmes noires, c’est une victoire douce.
Une manière de dire : “Je suis là. Je me repose. Je respire. Et je le mérite.”


📌 En conclusion

Voyager noire, c’est naviguer entre les paradoxes :
Le plaisir et le poids de l’histoire.
L’émerveillement et l’auto-défense.
L’ouverture et la prudence.

Mais c’est aussi une manière d’élargir l’horizon, de tracer des routes nouvelles dans un monde qui a trop souvent voulu nous limiter.

Et toi, quelle est ton expérience du voyage en tant que femme noire ?
As-tu déjà ressenti ce mélange de joie, de puissance, de gêne parfois, ou de fierté ?

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