Une enfance marquée par la discipline et l’éducation
Née en 1945 à Douala, au Cameroun, Alice Nkom grandit dans une famille d’enseignants. Ses parents, profondément attachés à l’éducation, lui transmettent très tôt le goût du savoir, le sens de la rigueur et une foi inébranlable en la valeur de la dignité humaine. Dans un contexte où la société camerounaise reste marquée par les pesanteurs coloniales et patriarcales, la jeune Alice se distingue par sa curiosité, son audace et son désir de bousculer les codes établis.
Une pionnière au barreau du Cameroun
Après des études de droit à l’Université de Toulouse, elle rentre au Cameroun avec la ferme intention de pratiquer dans un métier où les femmes étaient presque inexistantes. En 1969, à seulement 24 ans, elle devient la première femme admise au barreau du Cameroun. Ce moment historique ne représente pas seulement une victoire personnelle : il ouvre la voie à toute une génération de jeunes femmes désireuses d’exercer dans un domaine jusqu’alors réservé aux hommes.
Avocate brillante, indépendante et incorruptible, elle s’impose très tôt comme une figure incontournable du monde juridique camerounais.
Une voix pour les sans-voix
Si sa carrière aurait pu suivre une trajectoire plus classique, Alice Nkom choisit très tôt de se placer du côté des opprimés. Elle s’attaque à des dossiers sensibles : lutte contre la corruption, défense des victimes de violences policières et de violations des droits fondamentaux. Son engagement devient encore plus radical au tournant des années 2000, lorsqu’elle prend la décision courageuse de défendre les personnes LGBTQ+, criminalisées et souvent persécutées dans son pays.
En 2003, elle fonde l’Association pour la Défense des Droits des Homosexuels (ADEFHO). Cette organisation pionnière fournit une assistance juridique et un accompagnement humain aux personnes arrêtées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Dans un contexte politique et social marqué par «l’homophobie d’État», cette initiative fait d’elle une cible : intimidations, menaces de mort, pressions multiples. Mais Maître Nkom reste debout. Elle ne recule pas face à l’adversité et affirme que « la dignité humaine ne se négocie pas ».
Une championne de la cause féminine
Au-delà de son rôle d’avocate des minorités, Alice Nkom est une figure inspirante pour les femmes. Sa carrière incarne une réponse éclatante aux discours qui assignent les femmes à des rôles subalternes. Elle a montré que le barreau, la plaidoirie, la parole publique et la défense des droits fondamentaux ne sont pas l’apanage des hommes.
En inspirant des générations de jeunes femmes à devenir avocates, magistrates, militantes, ou tout simplement citoyennes actives, Maître Nkom contribue à redessiner le visage de la société camerounaise et africaine.
Reconnaissance internationale
Son courage et son engagement ne passent pas inaperçus. En 2007, elle reçoit le Prix des Droits de l’Homme de la République française. En 2014, Amnesty International lui décerne le Prix Ginetta Sagan, qui récompense les femmes œuvrant à la protection de la liberté et de la dignité humaine. Elle est régulièrement citée parmi les personnalités africaines les plus influentes et demeure une figure respectée dans les cercles internationaux de défense des droits humains.
Héritage et inspiration
Aujourd’hui encore, malgré les menaces et les campagnes de diffamation, Maître Alice Nkom poursuit son combat. Elle continue de plaider, de former des jeunes juristes et de porter une vision claire : un Cameroun — et une Afrique — où chaque être humain jouit de ses droits fondamentaux, indépendamment de son genre, de son orientation sexuelle, de sa religion ou de sa condition sociale.
Sa vie et son œuvre nous rappellent que le progrès social est le fruit de la résistance courageuse de celles et ceux qui osent briser le silence. Alice Nkom est plus qu’une avocate : elle est un symbole.
Un symbole de liberté, de justice et de féminité assumée comme force transformatrice.

