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Elle s’élève comme une ligne d’horizon

J’ai marché aujourd’hui entre New York et le New Jersey,

Les gratte-ciel y inscrivaient des prières dans le ciel,

Des os d’acier enrobés de peau de verre

Hauts, audacieux, bruyants…

Monuments de résilience.

On dit que ces tours sont faites pour durer.

Tremblements de terre, récessions, menaces de bombes, vents violents.

Elles sont toujours là. Toujours debout.

Mais j’ai pensé à une autre forme de force—

Plus silencieuse.

Non dessinée par des architectes, mais par la douleur.

J’ai pensé aux femmes.

Aux mères.

Aux sœurs.

Guerrières muettes, élevant leurs enfants dans un chaos feutré.

Parfois seules.

Souvent inquiètes.

Toujours debout.

J’ai pensé aux ecchymoses qu’aucune photo ne montre.

Aux portes verrouillées—non pour la sécurité,

Mais pour la survie.

Aux berceuses chantées par des voix brisées

Dans des cuisines qui sentent le dîner et le désespoir.

J’ai pensé à elle—

La femme partie au milieu de la nuit,

Un bébé sur la hanche,

Un autre sur le dos,

Sa dignité glissée dans un sac plastique.

Aucun plan de secours. Juste le souffle.

Et c’était suffisant.

J’ai pensé à elle

Celle qui n’a pas eu le temps de fuir.

Son nom devenu un hashtag.

Son visage, une veillée aux chandelles.

Ses enfants se réveillent encore

En se demandant si l’amour vient toujours avec du sang.

Et j’ai pensé

Elle aussi est un gratte-ciel.

Pas fait de béton ni de capitaux,

Mais de mémoire et de moelle.

Pas illuminée par des LED,

Mais par un feu qui ne s’éteint jamais.

Pas sur le plan de la ville,

Mais gravée dans l’âme de la survie.

Parce qu’elle aussi, se relève.

Après que les tribunaux l’aient laissée tomber.

Après que la société l’ait blâmée.

Après que le silence ait tenté de l’ensevelir.

Elle se relève.

Avec des tickets alimentaires et quatre heures de sommeil.

Avec des rendez-vous thérapeutiques et des victoires minuscules.

Avec la foi, même effilochée.

Elle bâtit un futur

Avec des morceaux que personne ne voulait.

Et comme ces tours

Elle ne demande pas d’applaudissements.

Elle continue simplement de s’élever.

Brique par brique meurtrie.

Rêve par rêve cabossé.

Elle continue de s’élever.

Alors la prochaine fois que vous admirez la ligne d’horizon,

Regardez plus bas.

Regardez de plus près.

Des femmes s’élèvent tout autour de vous

Architectes invisibles du lendemain.

Et leur résilience ?

Elle ne touche pas le ciel.

Elle le soutient.

Mə̂fò Nyàpgùŋ

(Ce poème fait partie d’un recueil)

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